• On ne crie pas dans l'oreille d'un sourd pour qu'il comprenne mieux ce que nous sommes en train de dire, on ne demande pas à un enfant paraplégique de se mettre à courir un 100 m dans la cour et bien avec nos élèves TSA, c'est pareil, on ne peut pas leur demander l'impossible !!!

    Connaitre à minima le fonctionnement cognitif des enfants avec TSA, les observer en essayant de faire abstraction de tout ce que l'on sait du développement d'un élève neurotypique nous permet de mettre en œuvre un accueil et des stratégies pédagogiques respectueuses. Sans démagogie, sans nier la complexité des situations, ce n'est pas parce que nous n'en savons encore que peu, que nous ne pouvons pas user de notre bon sens en général et de notre bon sens pédagogique en particulier.

    Certes, ce que nous essayons de mettre en place dans l'ULIS n'est pas toujours simple à transférer en classe ordinaire et c'est pour cela que le travail en partenariat doit à mon sens se co-construire. Les enseignants spécialisés ne sont pas des magiciens ni des machines à adaptations pédagogiques. Aucun acteur du système éducatif ne peut se passer d'une réflexion et ce pour n'importe quel élève autiste ou non !

    Alors voici en partage quelques points importants à ne pas négliger si un élève autiste est scolarisé dans votre école, dans votre classe spécialisée ou non .

    L'autisme n'est pas une maladie, votre élève ne va pas guérir. Il fonctionne différemment dans son mode relationnel, dans sa manière atypique d'apprendre. Il passe la "frontière" du monde des "neurotypiques" ( les non autistes) plusieurs fois par jours ce qui le rend très vulnérable. Alors essayons à notre tour de passer la sienne, observons, décryptons sans tirer d'interprétations hâtives. Cela me semble incontournable pour construire une société inclusive. Aucune personne " ordinaire" ne se cache derrière ce qui nous parait bizarre chez une personne autiste. Il y a juste devant vous une personne singulière, un être humain avec les mêmes droits universels qu'un autre être humain. Il y a des enfants avec le droit d'être éduqués et instruits.

    L'autisme est défini comme un trouble neurodéveloppemental (le cerveau se développant de manière atypique) montrant une différence suffisamment remarquable (qualitativement/quantitativement) dans plusieurs domaines:

    • le langage, la communication et les interactions sociales
    • un répertoire d'intérêts et activités dits "restreints et stéréotypés" . Je leur préfère le terme " spécifiques".
    • des différences au niveau sensoriel : perception du monde extérieur ( vue,odorat, ouïe, toucher, goût ) mais aussi au niveau interne ( équilibre, sensations, ressenti ..)

    A ce jour, le diagnostic reste clinique, c'est à dire que l'examen se fait sur les symptômes observés par une équipe médicale pluridisciplinaire. Il n'y a pas encore de repérage par prise de sang, imagerie ou autre même si la recherche cherche des pistes dans ce sens.

    L'autisme peut être associé à d'autres troubles ou pathologies comme des troubles de l'attention (TDA/H), des troubles du sommeil, des troubles alimentaires, un déficit intellectuel, de l'épilepsie,des troubles anxieux ...

    Les troubles du comportement ne sont pas inhérents à l'autisme mais souvent la conséquence d'une réaction à un environnement peu ou pas adapté.

    Il n'existe aucun traitement soignant l'autisme. Il n'y a aucune méthode miracle qu'il faudrait se borner à suivre à la lettre.

    Ceci a donc des conséquences indéniables dans son développement, son attitude au quotidien à l'école. En effet, l'école est un lieu où il y a beaucoup de monde, beaucoup d'agitation, de stimulations sensorielles et surtout la classe est un lieu où le mode de communication entre enseignants et élèves est le plus souvent VERBAL.

    Il peut exister un "fossé" entre nos manières d'être au monde, voici quelques exemples ( en espérant ne pas faire trop cliché !!!)

                                    fonctionnement autistique / Fonctionnement neurotypique

    • fonctionnement qui utilise peu le mode "langage" / fonctionnement basé sur le langage
    • pensée concrète                                       / pensée symbolique, métaphorique,  abstraction
    • s'oriente peu spontanément vers autrui /pensée de groupe, dans la relation aux autres
    • peu de compréhension spontanée des codes sociaux/fonctionne sur la base de codes sociaux appris implicitement
    • pensée pouvant être rigide, peu flexible avec des intolérance aux changements/ pensée souple, adaptation au contexte environnemental et émotionnel
    • pensée factuelle et contextuelle / pensée plus interprétative avec accès à l'implicite et accès à l'imaginaire facilité
    • pensée séquentielle, en détail/ pensée plus globalisante d'une situation
    • pensée très dépendante du contexte /pensée permettant un accès à la  généralisation

    Il existe des tas d'ouvrages sur l'autisme, pour éviter de vous perdre voici deux livres incontournables pour mieux comprendre :

    On ne crie pas dans l'oreille d'un sourd !

    On ne crie pas dans l'oreille d'un sourd !

     

    Bon bien quand on est à peu près au clair sur tout ça, vous me direz à quoi dois-je penser pour ma classe ???????????

    L'idéal est d'avoir un bilan complet de l'enfant nous donnant une image de ses forces et de ses difficultés mais aussi des spécificités de son fonctionnement. De mémoire d’enseignante c'est assez rare malheureusement.

    si nous reprenons chaque point nous pouvons essayer de :

    • trouver un moyen alternatif à la communication orale CAA

    Il ne s'agit pas de ne plus parler mais d'étayer notre langage par des outils. Ce qui marche souvent assez bien c'est l'utilisation d'un mode visuel ( gestes, objets, photo/image, dessin ou pictogramme) Il existe des outils clés en mains comme le matériel Makaton ou PECS nécessitant l'accompagnement d'un professionnel formé. Cependant, rien ne nous empêche d'utiliser nos propres images ( en nous assurant que l'enfant est en capacité de les comprendre) si l'enfant utilise un outil particulier avec son orthophoniste, essayer de faire un lien avec ce professionnel pour disposer du même matériel. Cela sera plus cohérent pour votre élève. Certains élèves sont lecteurs avant de parler donc ne pas hésiter à utiliser des consignes écrites.

    De nombreuses informations ici https://caapratik.com/

     

    On ne crie pas dans l'oreille d'un sourd !

    • adapter notre communication orale

    Parler moins

    Parler avec des phrases simples, courtes et explicites.

    Ralentir notre débit /laisser à l'élève le temps d'assimiler la demande ou le commentaire

    Éviter le langage métaphorique, le second degré (dans un premier temps)

    Ne pas surcharger nos messages d'explications inutiles (d'autant plus en cas de vulnérabilité ou crise)

    • Rendre l'abstrait plus concret : matérialiser l'organisation spatiale et temporelle :

    Rendre l'environnement lisible pour votre élève en structurant bien la classe et les espaces de travail ( voir article sur le blog). Vous pouvez mettre des étiquettes pour nommer les espaces ( mot+image) . Par exemple: espace de travail, espace tableau, espace bibliothèque, espace regroupement ...

     

    On ne crie pas dans l'oreille d'un sourd !

     

     

    Vous pouvez indiquer son nom sur sa table, sa chaise, sur le banc ( avec sa photo au besoin)

    Si en classe cela est difficile, vous pouvez opter pour un set de table de couleur pour qu'il repère bien son espace de travail.

    Le rangement du matériel scolaire peut aussi comme souvent en maternelle être bien visible : une étiquette pour l'endroit où on range les feutres, les puzzles, les livres ...

    On ne crie pas dans l'oreille d'un sourd !

     

    Le rangement et l'organisation de la table. J'ai pu remarquer en élémentaire que l'utilisation de la " case" sous la table relevait parfois du parcours du combattant. Dans les classes, nous avons opté pour des casiers de rangement avec des tiroirs . Le contenu est ainsi visible et accessible. une étiquette avec une image ( pictogramme ou autre) du contenu est souvent facilitante.

    https://i2.cdscdn.com/pdt2/2/2/6/1/300x300/auc2009845228226/rw/pratique-boite-de-rangement-tiroir-en-plastique-de.jpg

     

     

    Matérialiser le temps qui passe

    Une notion difficile à acquérir pour tous les jeunes enfants mais d'autant plus pour nos élèves autistes.

    Nous utilisons dans l'ULIS et en classe de référence des emplois du temps visuels individuels ( en plus du collectif de la classe). cela permet à l'enfant de comprendre la succession des activités qu'il va faire au long de la journée ( demi journée préférable au début)

     

    On ne crie pas dans l'oreille d'un sourd !

     

    matérialiser le temps d'une séance ou d'une activité

    soit par le matériel lui-même , soit par une consigne visuelle explicitant le début et la fin de la tâche, soit en utilisant un "timer"

     

    On ne crie pas dans l'oreille d'un sourd !

     

    • Apprendre les comportements adaptés et les codes de l'école

    L'utilisation des règles de vie bien connues dans nos classes est intéressante. Toutefois, on peut les adapter:

    - en mettant des visuels

    - en proposant le comportement adapté à la place du comportement non autorisé

    Tout est à apprendre donc on doit enseigner explicitement les comportements attendus

     

    •  Respecter le rythme de votre élève

    Souvent, certains élèves autistes vont plus lentement quand il s'agit de gérer des tâches demandant une organisation complexe. Lire, puis découper et coller des étiquettes va demander beaucoup d'efforts. Le problème n'est pas forcément la lecture ( votre objectif principal) mais toutes les tâches "parasites" de l'activité. L'AVS peut alors compenser en aidant l'enfant et ainsi lui permettre de se centrer sur l'objectif.

    • Partir des intérêts de l'enfant pour le  motiver !

    Essayer de comprendre quels sont les centres d'intérêts spécifiques de votre élève.

    Servez vous d'eux comme point de départ d'une activité ( nous avons fait des maths avec des "Angry-bird", de l'écriture à partir du nom des" yo-kai"...). ces motivations peuvent aussi servir de "renforçateurs positifs". Quand tu auras fini ton travail tu pourras faire ceci ou cela ...

    • faciliter l'accès aux concepts et au symbolique par un passage par la manipulation

    Montessori, Séguin, Itard l'avaient déjà compris. les neurosciences le confirment. On apprend en mettant notre corps en action, en manipulant. Le matériel concret facilite l'accès au sens.

    Il reste évidemment des tas de choses à explorer et à partager. je le ferai plus tard !

     

     
       

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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  • Voici le lien vers ce site consacré à la dyspraxie qui offre une boite à outils riche et très performante. Je l'ai beaucoup utilisée avec des enfants dyspraxiques mais aujourd'hui encore avec mes élèves autistes. Chaque aménagement correspond à un besoin et finalement parfois peu importe le trouble.

    https://www.cartablefantastique.fr/


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  • Les élèves avec autisme sont surprenants dans leur façon d’accéder au sens et au symbolique. De manière générale, nous remarquons  le plus souvent, que le langage seul n'est pas dans les premiers temps suffisant pour leur permettre une bonne compréhension des situations. L'importance de soutenir le langage par des aides visuelles est maintenant bien connu des pédagogues. L'importance de passer par l'objet, sa représentation visuelle ( image, photo ou pictogramme) est un des chemins possibles pour accéder au mot. Certes certains de mes élèves ont su  décoder avant de parler mais que comprennent-ils de ce qu'ils lisent. Le travail proposé dans l'ULIS permet de passer du concret vers l'abstrait. Voici en images les différentes phases de l'activité autour du matériel scolaire. Rendre le langage fonctionnel est un objectif important pour une communication plus riche qu'elle soit verbale ou non. Préparer les élèves en amont pour qu'ils puissent être plus disponibles dans leur classe.

    construire du sens

    Chaque élève associe les objets de sa trousse ou de la classe avec une représentation en dessin

    construire du sens

    construire du sens

    Un loto pour associer les images de ce qu'il y a dans sa trousse et son cartable.

     

    construire du sens

    Associer le mot avec l'objet représenté.

     

    fichier avec matériel à imprimer


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  • L'espace atelier autonomes est pensé pour permettre aux enfants TSA de travailler seuls en toute sécurité. Il est délimité de façon claire par les meubles à cases. Chaque enfant dispose  d'une double table où il peut travailler confortablement avec suffisamment d'espace pour se sentir bien. Les activités(préalablement travaillées avec l'adulte) sont rangées dans une case du meuble. Faute de place il arrive que 2 activités soient rangées ensemble. L'enfant choisit son atelier, travaille seul sous la supervision de l'AVS et range son atelier dans la case. Il peut demander de l'aide. Chaque case est étiquetée par:

    • le picto du domaine d'apprentissage
    •  la photo de l'atelier

    Les étiquettes sont posées avec du velcro afin de permettre une mobilité des ateliers en fonction de la progression des élèves et des objectifs fixés au cours de l'année.

    l'espace ateliers autonomes

    l'espace ateliers autonomes

    l'espace ateliers autonomes

     

     

     

     

    Ainsi nous travaillons également la catégorisation et  l'organisation spatiale.

    Pour plus d'autonomie et pour se saisir d'un mode de pensée le plus souvent visuel, les consignes sont données sous forme de fiches à l'aide  des photos (exemples dans fichier joint). L'enfant a donc possibilité de voir ce qu'il a à faire. Cela a également valeur d'autocorrection. Ici le texte n'a pas été ajouté mais c'est tout à fait concevable et même recommandé puisque souvent les enfants sont lecteurs.

    Les élèves peuvent répéter les ateliers aussi souvent que nécessaire. Compte tenu du profil des élèves TSA pouvant avoir tendance à se focaliser sur une activité, nous veillons à leur faire prendre conscience qu'il existe d'autres ateliers dans le même domaine. Nous observons les choix des élèves et nous les notons. Ceci afin de prendre en compte leur intérêt du moment et de partir de cette motivation pour enrichir le travail.

    Le chemin vers l'autonomie est long, cela nous a pris plusieurs mois pour qu'ils acceptent de faire sans nous une activité. Pleurs et cris étaient parfois présents. Dans l'ULIS contrairement à la classe ordinaire avec leur AVSi, les élèves ne sont pas en " un pour un". Ils doivent donc apprendre autrement. C'est il me semble aussi un chemin vers la liberté ....


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  • Ce site est une mine d'or

    Tout y est ou presque ... merci à Pierre Baligand de l'avoir fait vivre aussi longtemps. Et vous savez quoi... cet homme est un ancien inspecteur de l'éducation nationale.

    Vive l'école inclusive

    http://scolaritepartenariat.chez-alice.fr/


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